Ibnou Zakri (1852-1914)et Abu Yaala (1866-1952), sont tous les deux nés en pleine conquête militaire de l’Algérie au milieu du XIXème siècle, ils sont tous les deux fils d’imams de villages en Kabylie, ont fréquenté la même zawiya (celle de Sidi Abderrahmane El Ilouli) où ils ont eu les mêmes maîtres. Ils ont tous les deux fréquenté la médersa arabe-française et ont été, par la suite, employés et rémunérés par la France. Ibnou Zakri comme Mufti de la grande mosquée d’Alger et Abu Yaala, comme Imam à la mosquée de Sidi Ramdane à Alger, après son retour de Damas en 1924.
Ibnou Zakri et Abu Yaala sont, en effet, de la même génération et de la même extraction sociale que les autres kabyles (plus connus et plus reconnus qu’eux), qu’ils soient de la branche de l’école française comme (Said Boulifa, Fatma Ait Mansour Amrouche, M. Féraoun…) ou de celle des imusnawens (poètes) de la tradition orale et locale kabyle (Cheikh Mohand U Lhocine, Si Mohand U M’hend). Les deux textes qu’ils ont édités et que nous avons traduits et mis dans la seconde partie de ce volume, embrassent une variété d’objets comme la révolte de 1871, les Zawiyas, l’Islah, le statut de la femme, l’Etat colonial, l’identité et l’histoire ; en somme, les mêmes objets que ceux qui ont occupé la tradition savante kabyle durant tout le XXème siècle. Quelques décennies à peine, après leurs décès, leur branche s’est définitivement tarie et les deux hommes comme leurs œuvres (bien d’autres ulémas kabyles anciens, ont eu le même sort qu’eux) ont fait l’objet d’un oubli actif et d’un effacement objectif semblable, pour ne pas dire pire, que celui qu’avait connu la lignée des poètes kabyles anciens. Nous ne disons pas cela pour accabler, encore une fois, la mémoire collective kabyle d’une seconde «fuite», mais pour souligner cette absence chronique de communication entre deux traditions de la connaissance en Algérie ; Celle des «Islamics Studies» d’une part, qui pense le îlm et les ulémas kabyles comme «impurs», et d’autres part, celle des «Kabyles Studies» qui, centrée sur la littérature orale et locale, n’arrivait pas à rencontrer ces « berbérisants de langue arabe».
1 place centrale de Ben Aknoun - Alger